Recyclage et écoconstruction : des pistes pour accompagner la transition du BTP

Entre les décharges sauvages alimentées par les chantiers et les émissions de gaz à effet de serre engendrées par la fabrication du ciment, le secteur du bâtiment apparaît comme le champion toutes catégories de la pollution. Pourtant, des solutions existent déjà pour valoriser la majeure partie des matériaux de construction et alléger leur empreinte carbone.

 

Ils représentent près des trois quarts des déchets produits en France, et seule la moitié est aujourd’hui valorisée : c’est peu dire que les déchets du bâtiment et des travaux publics (BTP) sont loin d’être un modèle de transition écologique. D’autant qu’une partie d’entre eux est tout simplement jetée dans la nature, alimentant des décharges sauvages aux dimensions parfois titanesques. Face à ce fléau, Brune Poirson, la secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, a annoncé en septembre dernier la mise en place de mesures destinées à encourager la collecte et le recyclage de ces déchets : à compter du 1er janvier 2022, les professionnels pourront venir les déposer gratuitement dans les déchetteries (à condition qu’ils soient triés par flux de matière : ferraille, bois, gravats…). Le réseau de points de collecte devrait quant à lui être densifié, et les sanctions contre les décharges sauvages — dont le nettoyage coûte entre 340 et 420 millions d’euros par an aux collectivités —, renforcées. De quoi augmenter les chances de se rapprocher de l’objectif fixé par la directive cadre européenne adoptée en 2008, qui impose un taux de valorisation matière de 70 % des déchets de construction du BTP d’ici à 2020.

Booster le réemploi des déchets recyclés

Problème : si les acteurs des chantiers et les artisans sont de plus en plus nombreux à apporter leurs déchets dans les déchetteries, les industries peinent encore à les incorporer dans leurs productions. « Il est important que l’on intègre de plus en plus de matières recyclées à l’intérieur de tout ce qui est produit et construit. Nous éprouvons notamment des difficultés à réemployer le bois parce que les débouchés sont encore trop faibles par rapport à ce que nous sommes capables de trier, explique-t-elle. C’est une question d’adaptation : si une industrie n’est capable d’intégrer que 15 % de matières recyclées dans son processus, elle n’en prendra pas davantage. »

 

« Il est important que l’on intègre de plus en plus de matières recyclées à l’intérieur de tout ce qui est produit et construit. »

Techniquement, ce taux pourrait déjà être largement atteint : au centre de tri de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) de Veolia inauguré en avril 2019, il monte même à plus de 80 %. Dotée d’une capacité annuelle de réception de 250 000 tonnes par an, dont 25 000 tonnes pour la déchetterie dédiée aux artisans, ce centre de tri absorbe une partie des déchets de chantier engendrés par les travaux du Grand Paris, dont la quantité devrait atteindre 43 millions de tonnes en 2026. Après la phase de tri, les matériaux récupérés (métaux, plastiques rigides, gravats, plâtre…) fournissent les industries en matières premières recyclées. Parmi les 20 % de matières restantes, la moitié fait l’objet d’une valorisation énergétique, un procédé de traitement thermique permettant de récupérer la chaleur dégagée par la combustion de certains éléments contenus dans les déchets, qui pourra ensuite alimenter un réseau de chaleur urbain ou industriel. À en croire Valérie Gauthier, directrice du secteur Process et Valorisation chez Veolia, région Ile-de-France, la principale marge de développement pour augmenter encore le taux de valorisation concerne le tri des plastiques.

Cendres volantes et biomatériaux : des pistes pour l’écoconstruction

 

En amont, la fabrication et la conception de nos bâtiments laissent aussi encore à désirer. À commencer par le ciment, dont l’industrie représente pas moins de 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon l’Agence internationale de l’énergie. En cause : la décarbonatation du calcaire, sa matière première principale, qui est chauffé à des températures atteignant jusqu’à 1450°C… 

Pas besoin, toutefois, de centrales thermiques pour fabriquer des matériaux de construction moins polluants. Parmi ces « biomatériaux » : ciment à base d’argile, briques issues de déchets recyclés, et même bois, paille et chanvre, qui font de très bons isolants naturels. Grâce à la technologie de Building Information Modeling (BIM), il est désormais possible d’évaluer l’impact environnemental et les performances énergétiques d’un projet de construction grâce à une maquette numérique en 3D. Et même de penser la « fin de vie » du bâtiment, en diagnostiquant les déchets avant démolition pour faciliter leur valorisation.

« Grâce à la technologie de Building Information Modeling (BIM), il est désormais possible d’évaluer l’impact environnemental et les performances énergétiques d’un projet de construction. »

En République Tchèque et en Pologne, où les centrales thermiques fournissent une grande part de l’électricité consommée, le ciment est en partie issu de la valorisation de « cendres volantes », des particules fines non combustibles entraînées par les fumées lors de la combustion du charbon (qui constituent par ailleurs des déchets toxiques). « Les cendres volantes peuvent être intégrées dans la production du béton et du ciment, mais aussi du mortier, du plâtre et des adhésifs, explique Magdalena Kempinski, directrice de la communication chez Veolia en Pologne. Elles améliorent notamment la maniabilité du béton plastique, et la solidité et la durabilité du béton durci ». Surtout, elles réduisent entre 25 et 30 % l’empreinte carbone associée à la production du ciment.

 

Logo du media Usbeck et Rica

En collaboration avec Usbek & Rica, le média qui explore le futur