Modèle d’économie circulaire, les fertilisants organiques issus de biodéchets bénéficient aussi bien à la santé des sols qu’au climat. Associés à une agriculture de précision, ils participent au développement des exploitations bio, dont ils améliorent les rendements.
Épluchures de légumes, pelures de fruits, coquilles d’oeufs, restes de viande ou de poisson, papiers et cartons… Les déchets organiques constituent un tiers des ordures ménagères en France, mais ne sont que rarement valorisés — pour l’instant. Car la loi relative à la transition énergétique votée en 2015 en France, prévoit qu’à l’horizon 2025 (2023 pour l’Union Européenne), chaque citoyen devra disposer d’une solution pour trier ses déchets alimentaires à la source. Les restaurants et industriels du secteur alimentaire, eux, sont déjà tenus depuis 2012 de trier, collecter et valoriser ces ressources plutôt que de les jeter en les condamnant à l’incinération ou à l’enfouissement.
Un « retour au sol » bon pour le climat
Objectif de l’opération : produire, à partir de ces résidus biodégradables, aussi bien du biogaz à l’issue du processus de méthanisation, que des amendements organiques par le biais du compostage. Les vertus de ce dernier sont multiples : « Le retour au sol des biodéchets permet à la fois de nourrir les plantes grâce à des fertilisants riches en azote et en phosphore, et d’enrichir les sols en carbone », souligne Maelenn Poitrenaud, responsable innovation et développement de la filiale SEDE chez Veolia, qui traite un million de tonnes de déchets pour commercialiser 700 000 tonnes de compost chaque année. Dans un sol enrichi en nutriments, les plantes se développent plus rapidement, et capturent ainsi plus de carbone par la photosynthèse.
"Dans un sol enrichi en nutriments, les plantes se développent plus rapidement, et capturent ainsi plus de carbone par la photosynthèse."
Or le stockage du carbone dans les sols (aujourd’hui menacé par les cultures intensives) est un levier important de la lutte contre le réchauffement climatique, mis en avant par l’initiative internationale « 4 pour 1000 », dont Veolia est partenaire, lors de la COP21, et rappelée début octobre par le European Compost Network à l’origine de l’appel « Save Organics in Soil ». Sans compter que la production de compost évite l’emploi d’engrais azotés de synthèse, dont la production s’accompagne d’émissions de N2O (protoxyde d’azote), un gaz à effet de serre contribuant aussi à la destruction de la couche d’ozone.
Toute une logistique permet aujourd’hui d’opérer ce retour à la terre, que ce soit directement à partir des biodéchets ou du digestat, les résidus issus de la méthanisation. Collectés directement auprès des acteurs de l’industrie agroalimentaire, de la grande distribution ou de la restauration, les déchets biodégradables sont acheminés vers des unités de compostage avant d’être épandus dans les champs. Ces résidus viennent de partout, y compris de la mer : avec Recyfish et sa filiale Angibaud, Veolia commercialise aussi des fertilisants à base de restes de poisson. Principalement utilisé dans les cultures à haute valeur ajoutée comme la viticulture et le maraîchage, le « guano de poisson » ainsi créé est un engrais organique riche en azote et phosphore, agissant également sur la micro-faune et la micro-flore du sol, indispensables aux bons échanges des éléments entre le sol et la plante.
Vers une agriculture (bio) de précision
Guidées par des outils intelligents, la fabrication et l’utilisation des fertilisants investissent de plus en plus le champ de l’agriculture de précision. Sur les sites de compostage de Veolia, révèle Guillaume Wallaert, directeur de l’offre Biodéchets chez Veolia, « le système AEROcontrol, accélère la dégradation des résidus grâce à une sonde qui mesure les paramètres comme la température du compost pour optimiser l’injection d’air, améliorer le processus de maturation, et obtenir un compost de meilleure qualité ».
Une fois au stade de l’épandage, une attention minutieuse est accordée aux plantes pour optimiser leur absorption d’engrais. « On applique des biostimulants à la plante pour qu’elle utilise au mieux le fertilisant, ce qui va lui permettre de se développer de manière optimale et de résister à son environnement », indique Maelenn Poitrenaud, avant d’évoquer la start-up Vegetal signals, qui développe des capteurs mesurant les signaux électriques des plantes pour calibrer au mieux leurs besoins notamment en eau et en engrais.
« Des capteurs mesurent les signaux électriques des plantes pour calibrer au mieux leurs besoins en eau et en engrais ».
Idem pour les sols, dont les caractéristiques affectent le choix du compost. « Dans le cadre du programme QualiAgro avec l’Inra, poursuit Guillaume Wallaert, nous testons en laboratoire et en plein champ, sur la durée longue, différents types de composts, afin d’optimiser leur utilisation en fonction des besoins des plantes et du sol dans le cadre d’une agriculture biologique. Nous mesurons de manière régulière plusieurs paramètres comme la qualité de l’eau, la capacité à retenir l’azote, ou encore la structure, la densité et la microbiologie du sol… ».
Autant de données qui alimentent ensuite l’algorithme de l’outil Soil advisor qui intègre également l’effet fertilisant des composts et propose aux agriculteurs des préconisations d’utilisation des fertilisants. En 2015, l’Inra concluait de ces expérimentations que « les rendements des cultures de printemps implantées immédiatement après apport sont similaires à ceux obtenus avec une fertilisation minérale seule [produits par synthèse chimique, NDLR] ». Une bonne nouvelle pour le développement de la bio.
En collaboration avec Usbek & Rica, le média qui explore le futur