Depuis quelques années, des systèmes de récupération de chaleur des eaux usées et des microturbines hydroélectriques installées dans les réseaux d’eau potable valorisent l’énergie contenue – et trop souvent perdue – dans nos conduites.
Troisième source de production d’électricité et première source d’énergie renouvelable en France, l’hydroélectricité est surtout connue pour ses barrages et ses grandes centrales. Moins visibles, les réseaux d’eaux usées ou d’eau potable des souterrains représentent eux aussi une source locale d’énergie renouvelable capable de chauffer ou refroidir des infrastructures, ou plus simplement d’alimenter le réseau électrique en augmentant la part d’énergie propre. Le débit et la température de l’eau constituent en effet une source d’énergie que divers projets tentent de valoriser depuis quelques années.
Se chauffer avec les eaux usées
Avec une température oscillant entre 10 et 15 degrés en hiver, 15 et 25 degrés en été, les réseaux d’eaux usées urbaines ou en sortie de station d’épuration sont une source de chaleur ou de froid de proximité. Pendant la saison chaude, elles sont plus fraîches que l’air ambiant, et inversement pendant la saison froide. Un principe simple qui nécessite un certain investissement matériel : « Il faut détourner une partie du débit d’un réseau vers un échangeur thermique (permettant le transfert de chaleur entre deux fluides au travers d’une paroi, donc sans les mélanger). Une pompe à chaleur réversible capte ensuite les calories du réseau pour les acheminer vers un réseau de chauffage ou de refroidissement », explique Romuald Le Guilly, ingénieur thermique chez Veolia qui travaille entre autres sur Energido, une solution permettant de récupérer l’énergie des réseaux d’eaux usées.
Au Cercle des Nageurs de Marseille par exemple, ces réseaux maintiennent la température des bassins à 27 degrés toute l’année. Bilan de l’opération : une facture de gaz réduite de 35 % et 230 tonnes d’émission de CO2 évitées par an. Également déployé dans les centres aquatiques d’Arras, d’Aix-les-Bains, de Saint-Laurent-du-Var et bientôt d’Aulnay-sous-Bois, « ce système alimente déjà le réseau de chauffage et de refroidissement de logements dans des écoquartiers à Roquebrune-Cap-Martin et de Saint-Chamond, et permet de chauffer les digesteurs des stations d’épuration ou encore de produire de l’eau chaude sanitaire (à des fins domestiques), pour une production annuelle moyenne pour chaque installation comprise entre 500 et 4000 MWh », note l’ingénieur.
« Les eaux usées alimentent déjà le réseau de chauffage et de refroidissement de logements dans des écoquartiers ».
Une solution aux applications multiples qui s’accompagne néanmoins de certaines contraintes : « l’une des exigences de cette solution est l’accès à un débit suffisant, de l’ordre de 30 mètres cubes par heure, poursuit-il. Il ne faut pas non plus que la distance entre le captage des eaux usées et le receveur de chaleur soit trop importante ». Si cette technologie a été implantée principalement dans des villes moyennes, les plus grandes pourraient également y trouver leur compte dans les années à venir, précise-t-il en évoquant des études récentes sur Paris. Une solution « plug and play », requérant un minimum d'intervention de la part de l'utilisateur, est également envisagée pour les clients industriels et tertiaires (hôtels, centres commerciaux…).
Des microturbines dans les conduites d’eau potable
En 2010, Nice devenait la première ville en France à se doter de microturbines hydroélectriques intégrées au réseau d’eau potable. Il s’agit cette fois de capter non pas les calories dans l’eau, mais son énergie cinétique, transformée en énergie mécanique, puis électrique. « C’est le même principe que les barrages hydroélectriques – l’eau met en mouvement une turbine reliée à un alternateur –, sauf qu’on le fait directement dans les conduites d’eau, à plus petite échelle », résume Paulo Fernandes, responsable performance sur les filières de traitement d’eau chez Veolia. « Les microturbines utilisent l’énergie potentielle de l’eau, poursuit-il. Cette énergie est proportionnelle à la différence de hauteur et au volume d’eau mis en œuvre. Cela s’applique bien dans le cas de Nice, où l’on trouve des différentiels de hauteur et des volumes importants. »
Installé à Barcelonnette en 2013, un dispositif similaire tire profit du dénivelé séparant des sources d’eau potable situées à 2000 mètres d’altitude s’écoulant vers un réservoir situé 600 mètres plus bas. Au total, ce sont 494 tonnes d’émissions de CO2 qui sont évitées chaque année, avec une production annuelle d’électricité équivalente à la consommation de 970 habitants (pour l’éclairage et l’électroménager).
Dans le futur, ce principe pourrait bien se rapprocher encore davantage de notre quotidien, y compris, proposent des chercheurs sud-coréens, dans… nos toilettes. En convertissant l’énergie mécanique de l’eau en électricité, ils ont montré qu’une seule goutte suffisait pour allumer brièvement une ampoule LED. Une solution ingénieuse qui, espèrent-ils, pourrait se répandre également dans les éviers, mais aussi sur les toits et les fenêtres pour récupérer l’énergie des eaux de pluie.
Une seule goutte d’eau suffit pour allumer brièvement une ampoule LED.
Bientôt, valoriser l’énergie de l’eau en mouvement relèvera sans doute de l’évidence.
En collaboration avec Usbek & Rica, le média qui explore le futur