L’eau dans la smart city : comment s’adapter aux enjeux environnementaux ?

Compteurs intelligents, rafraîchissement urbain : la gestion de l’eau dans la smart city

Dans la ville de demain, la lutte contre le dérèglement climatique reposera sur une gestion intelligente de l’eau, destinée aussi bien à préserver la ressource qu’à rafraîchir l’espace urbain avec des dispositifs low-tech.

 

Baisse globale des précipitations, vagues de chaleur, multiplication des épisodes de sécheresse, aggravation du phénomène des îlots de chaleur… Le dérèglement climatique exerce une tension croissante sur les ressources en eau – y compris en France –, alors même que la demande en eau en milieu urbain devrait augmenter, à l'échelle mondiale, de 80 % d’ici 2050, plongeant de nombreuses métropoles dans le monde dans des situations de stress hydrique.

Pour assurer leur attractivité et leur durabilité, les smart cities en devenir misent sur une gestion plus fine de ce que l’on appelle désormais « l’or bleu ». Surtout lorsqu’elles font d’ores et déjà face à des épisodes de sécheresse, à l’instar de Barcelone, qui a développé ces dernières années un système de capteurs sous terre sur les voies d’irrigation de la ville afin d’anticiper les pénuries et interrompre l’arrosage municipal lorsque c’est nécessaire.

Compteurs intelligents

Ce type de démarche pourrait bien se généraliser dans les années à venir et donner un coup d’accélérateur au déploiement, entamé il y a une dizaine d’années, des compteurs intelligents. Leur objectif : assurer un suivi fin et personnalisé de la consommation du précieux liquide pour limiter les gaspillages. Déployée par Veolia en France et en Europe, l’offre de télérelevé TéléO permet aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités d’accéder à leur relevé des compteurs en continu, d’être facturés sur la base de leur consommation réelle, de détecter immédiatement des incidents ou risques sur leurs installations (fuite d'eau, gel…). Avec souvent des économies d’eau conséquentes : dans les bâtiments municipaux de la commune de Saint-Amand-Montrond (Centre-Val de Loire), 5500 m3 d’eau sont ainsi épargnés chaque année, soit l’équivalent de deux piscines olympiques.

Même principe pour les réseaux de distribution d’eau, eux aussi voués à devenir de plus en plus « smart » : « Des capteurs installés sur le réseau permettent de suivre la qualité de l’eau, de limiter les pertes, de détecter des fuites ou des actes de vandalisme (par exemple sur une borne d’incendie), explique Laure Simon, directrice du projet TéléO pour Veolia Eau France. Grâce aux compteurs intelligents, on peut vérifier l’impact concret d’un arrêté de restriction de consommation, et envisager la mise en œuvre d’une tarification beaucoup plus fine et dynamique, en augmentant le prix du litre d’eau lorsque la pression sur les ressources est la plus forte. »

« Des capteurs installés sur le réseau permettent de suivre la qualité de l’eau, de limiter les pertes, de détecter des fuites ou des actes de vandalisme ».

L’eau dans la smart city

Autant de dispositifs qui pourront s’intégrer, à terme, dans l’écosystème d’objets connectés fondant la « smart city » de demain. « Nous avons opéré un virage technologique il y a deux ans en nous appuyant sur les technologies de communication d’avenir, qui sont utilisées dans le monde de l’IoT », poursuit Laure Simon. Avec sa filiale Birdz, Veolia s’appuiera sur le réseau LoRa d’Orange pour connecter 70 % des compteurs en télérelevé d’ici 2027. « Ces technologies sont interopérables [elles reposent sur un matériel et un logiciel exploitables par tout opérateur, NDLR], donc faciles à intégrer dans la smart city » : éclairage, stationnement, collecte des déchets… Tout fonctionnera de concert.

« Nous avons opéré un virage technologique il y a deux ans en nous appuyant sur les technologies de communication d’avenir, qui sont utilisées dans le monde de l’IoT ».

Hubgrade, le centre de pilotage intelligent de Veolia, intègre par ailleurs aussi bien la gestion de l’eau que celle de l’énergie et des déchets, toujours dans le but d’optimiser l’utilisation de ces ressources. À Dubaï, par exemple, cet allié de la smart city devrait permettre de réduire de 30 % les consommations d’eau et d’électricité de sept bâtiments publics.

Rafraîchissement low-tech

Pour rester attractive, la smart city devra aussi s’armer contre les effets du dérèglement climatique. Car la multiplication et l’intensification des épisodes de canicule — certaines études prédisant des vagues de chaleur de 50°C à Paris d’ici la fin du siècle — ont des impacts bien réels sur le confort des citadins, voire leur santé.

Heureusement, l’adaptation des villes à cette nouvelle donne a déjà son lot de solutions d'aménagement des espaces extérieurs : peinture blanche sur les façades pour augmenter l’albédo, végétalisation des espaces urbains, mais aussi humidification des chaussées et pavés évaporatifs dans les zones piétonnes atténuent le phénomène des îlots de chaleur urbains et renforcent la résilience des villes. Les pavés poreux s'intègrent dans une démarche d'économie circulaire car, fabriqués en Europe, ils incorporent des coquilles Saint-Jacques concassées, et permettent une réutilisation de l'eau pluviale collectée. « Ces pavés poreux absorbent l’eau pluviale et évaporent cette eau en période de grande chaleur, abaissant la température ressentie de 5 à 6°C », assure Eric Lesueur, président de 2EI, une filiale de Veolia, en évoquant des démonstrateurs à Toulouse et à Nice. Cette solution, pilotée à partir des données météo locales, est complètement autonome et le suivi de la performance de rafraîchissement se fait à distance.

« Je rêve de rafraîchir la place du Capitole à Toulouse, qui a toutes les caractéristiques d’un îlot de chaleur : une place immense, minéralisée, avec un ensoleillement fort, où l’air ne circule pas beaucoup », décrit-il. « Mais on ne touche pas si facilement à un lieu historique pour y mettre des pavés évaporatifs ! Aujourd’hui, on les met déjà en place sur des sites accueillant le public, comme des zones d’attente et les écoles. »

La résilience se prépare, pavé par pavé.

« Je rêve de rafraîchir la place du Capitole à Toulouse, qui a toutes les caractéristiques d’un îlot de chaleur ».

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